Lettre ouverte aux biens-pensant.e.s

… suite à la polémique sur l’Observatoire des Fondamentalismes et le « balekgate qui s’en est suivi »

Pour arrêter toutes les spéculations et instrumentalisations, je commencerai par dire fermement que je soutiens les combats de l’Observatoire des Fondamentalismes et de Fadila Maaroufi, qui en est la porte-parole. Qu’on ne se méprenne pas, j’ai co-signé des textes au Parlement bruxellois contre le port de signes convictionnels dans la fonction publique et les hôpitaux bruxellois et je suis fermement opposée au port du voile à l’école. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, j’estime que les écoles doivent pouvoir déterminer elles-mêmes leur règlement d’ordre intérieur, comme la Cour Constitutionnelle le préconise.

Je suis une fervente défenderesse de la laïcité et du modèle interculturel. Je combats tous les extrémismes religieux, ce qui m’a valu des insultes et bien entendu d’être taxée d’extrême droite.

En Belgique, et en particulier Bruxelles, comme l’a signalé à juste titre Georges Dallemagne laprogression du salafisme et des Frères musulmans est en effet inquiétante et le foulard (voile) en est devenu depuis tant d’années l’étendard. Et le dernier rapport de la sûreté de l’Etat le confirme encore.

Mon retrait du site de l’Observatoire des fondamentalismes ne veut pas dire que je ne soutiens plus ses combats, certainement pas, il veut  simplement dire que pour l’instant je ne souhaite pas être en première ligne piégée par des affrontements stériles, des manigances et des cabales.  J’ai subi le Covid de plein fouet et je prends le temps de guérir, de me reconstruire. Je ne suis pas consultée sur la stratégie de l’O, ni sur ses méthodes. Et donc je ne veux pas devoir m’en expliquer. C’est tout. Mais les combats sont justes.

J’ai travaillé de nombreuses années aux côtés de féministes dont je ne partage pas tous toutes les idées dont l’approche sur le voile. Mais je les rejoins sur d’autres aspects du féminisme et encore pas toujours tous non plus.

Mais personne n’a le droit de « s’en balek » du voile. Il est la cause de l’enfermement et de la mort de femmes qui se battent dans le monde pour pouvoir l’enlever. Ce terme est d’une violence inouïe. Fadila et de nombreuses autres femmes d’origine arabo-musulmanes ont subi les islamistes, leurs dérives et leur privation de libertés.

Que certaines choisissent de le mettre sans aucun doute, mais les lois sont faites pour protéger les plus faibles et ici ce sont ces femmes qui ne peuvent résister à la pression de la famille, des frères, des quartiers et des mosquées. Ce sont elles qui me préoccupent, comme celles qui se battent ici et ailleurs pour pouvoir l’enlever. Ne jamais devoir le mettre.

Car en effet ce n’est pas un banal morceau de tissu. Il représente non seulement le dogme, il est le symbole d’une idéologie  profondément opposées aux valeurs universelles, que je défends avec toute mon énergie.  Là où le voile est imposé, il n’y a point de liberté pour les femmes. Celles qui se battent, prennent des risques au péril de leur vie, elles ne « s’en balek » pas. Pas du tout. Ce ne sont pas les quelques femmes éduquées ici qui font la promotion de ce choix de société qui doivent être défendues, mais celles courageuses qui tentent de s’y opposer.

Car comme le dit l’écrivaine Wassyla Tamzali« le voile n’est pas un choix, mais un consentement [1] ». Elle affirme que la liberté n´est pas un produit statique. Si je fais un choix, celui-ci est inéluctablement remis en question par le monde extérieur et par moi-même. On ne peut comparer une obéissance déguisée en choix, alors qu’en fait il ne s’agit que d’un consentement. La décision prise librement nécessite un esprit critique, qui, sans cesse, va analyser les rapports de domination auxquels on est soumis. Quant au consentement, il s´effectue par rapport à des idéologies qui se situent au-dessus de la personne. Donc, lorsque celle-ci ne peut pas discuter de ces idéologies, elle se soumet[2].

Et donc j’invite ceux et celles qui font du clientélisme ou du communautarisme à travers la politique, le journalisme ou des ONG, à se mettre du côté de celles qui sont réellement discriminées. Car en Belgique, ce ne sont pas les femmes qui se voilent : ici elles peuvent manifester, étudier, travailler et être élues.

A tous ces biens-pensant.e.s, je dis clairement, je ne suis pas votre alliée, ni dans ce débat, ni ailleurs. Je combats vos idées, je l’ai fait à travers mes écrits, à travers mon engagement politique et je continuerai à le faire, en tant que femme, féministe, laïque, progressiste et libérale.

[1]Wassyla Tamzali,« Le voile n’est pas un choix, mais un consentement ! »,interview de Hadjer Guenanfa, L’Express,15 mai 2010.

[2]Extrait de Alors heureuses?, CFFB, Ed Luc Pire mars 2018

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