« Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence »… en 1938 la nuit de Cristal.

Extrait de mon livre « Salomon, vous êtes juif?!, L’antisémitisme en Belgique du Moyen-âge à Internet  » paru en décembre 2008 au Ed. Luc Pire.

nuitcr51Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 eut lieu, sur l’ensemble du territoire de ce qui était devenu cette même année le Grand Reich, un pogrome comme l’Allemagne n’en avait plus connu depuis le XVII’ siècle : 175 synagogues, 7 500 magasins, d’autres établissements juifs, comme des orphelinats et une grande quantité d’appar­tements privés sont incendiés ou totalement saccagés, de nombreux Juifs sont battus à coups de matraque et de crosse de fusil, vingt à trente mille amenés dans les camps de concentration de Dachau, de Buchenwald et de Sachsenhausen,où ils subissent coups et tortures.

Au lendemain de la Nuit de Cristal, les Juifs fuient en masse et sans papiers vers la Belgique. Les autorités belges se montrent alors plus rigoureuses et surveillent leurs frontières. Des instructions sont données par la Belgique aux consulats, notamment autrichien,leur enjoignant de ne délivrer aucun visa. Le ministre de la Justice Charles du Bus de Warnaffe (Charles du Bus de Warnaffe, homme politique et avocat, président de la Chambre des représentants en 1951, et ministre CVP de la Justice en 1937-1938, 1945 et de 1952 à 1954) écrit dans ses mémoires rédigées pendant la guerre qu’il a décidé de frapper fort et d’ordonner au représentant de Belgique à Vienne de refuser tout visa qui pourrait « avoir pour conséquence directe ou indirecte l’établissement de Juifs autrichiens dans le royaume ».

Charles du Bus de Warnaffe écrit :« En réalité, l’immigration qui était à craindre risquait d’être en très grande majorité de caractère sémitique ; elle se liait au problème juif en Belgique. On estimait à 90 000 le nombre d’israélites établis dans le pays à l’époque […] Un sérieux problème pourrait se poser chez nous si une politique vigilante et restrictive n’était pas adoptée à l’égard des Juifs.Politique vigilante, soumettant les activités subversives de nombre de Juifs à une surveillance étroite, et agissant sans pitié contre les Juifs étrangers abusant de l’hospitalité belge en se livrant dans le pays à des menées politiques. […] Politique restrictive, soumettant à des conditions très rigoureuses et sévèrement appliquées, l’admission des Juifs étrangers dans le pays – et ce, dans l’intérêt même des Juifs établis dans le royaume(Mémoires inédits de Charles du Bus de Warnaffe, p. 66-67, voir Schreiber, « L’accueil des réfugiés juifs du Reich… », op. cit., p. 47.) […] »

L’historien Maxime Steinberg relève que la Gazet van Antwerpen, en mai 1938, «avertit que la population, et pas seulement les éléments d’extrême droite comme on le prétend faussement, en a ras-le-bol de la politique de la porte ouverte»(Maxime Steinberg, Un pays occupé et ses Juifs, Quorum, Gerpinnes, 1999, p.275.). Lors des élections communales d’octobre 1938, les expressions d’antisémitisme et de xénophobie sont en hausse et le Vlaamsch Volksblok (Bloc populaire flamand) mène ouvertement campagne « contre les Juifs ». Menacée sur sa droite, la droite catholique accuse l’administration socialiste rivale d’avoir « transformé la ville en un refuge pour une racaille étrangère qui regarde les Anversois comme une minorité ». Anvers serait devenue sous son mandat « le centre de l’action révolutionnaire en Belgique ».

Le gouvernement accepte enfin d’admettre ceux qui ont fui l’Allemagne nazie jusqu’au 15 juillet 1939. Au-delà de cette date,seuls les réfugiés politiques ne seront plus expulsés, sachant que cette notion est devenue très restrictive !

Dans le même temps, en septembre et octobre 1938, des razzias sont opérées à Anvers et à Bruxelles, suivies d’expulsions immédiates pour les étrangers entrés clandestinement en Belgique, près de deux mille par mois en novembre 1938. À cette date, les réactions conjuguées d’une partie de l’opinion, de la Chambre et le contexte de la Nuit de Cristal amènent le ministre de la Justice Pholien à annoncer au Parlement que les refoulements ne reprendront plus, aussi longtemps que le maintien de l’ordre le permettra. Cela ne plaît pas à l’administrateur général de la Sûreté de l’État qui juge laxiste cette politique« immorale, anti juridique et dangereuse », puisqu’elle remet en cause les accords signés entre la Belgique et l’Allemagne à l’automne 1938 (CNEHJ, Archives Gottschalk, copie d’un rapport de de Foy à Van Dievoet, 3/2/1939, cité par Schreiber, « L’accueil des réfugiés juifs du Reich… », op. cit., p. 52.).

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