On aimerait tant y croire….

Voici mon intervention en séance plénière lors de la Déclaration Générale du gouvernement bruxellois ce vendredi 21 juillet 2019 concernant la Cocom ( social-santé) 

Monsieur le Ministre-Président,

Madame, Messieurs les Membres du Collège,

Cher.e.s Collègues

On aimerait tant y croire. Mais après avoir vu le PS à la Ministre présidence pendant 15 ans sans discontinuer, on sait que les promesses n’engagent que ceux et celles qui y croient. Et d’ailleurs vous avez déclaré vous-même ne pas y croire.

Alors c’est vrai on aimerait tant croire à vos réponses concernant l’urgence sociale. A votre priorité pour les cinq années à venir. Il y a urgence en effet ! Vu l’état de pauvreté dans notre Région, toujours plus alarmant d’année en année avec un tiers de Bruxellois.es vivant sous le seuil de pauvreté, 1 enfant sur 4  de -18 ans  grandissant dans un ménage sans revenu du travail, avec 43 000ménages sur liste d’attente pour un logement social, 55.000 citoyen.ne .s qui sans aide alimentaire ne pourraient se nourrir, et un.e Bruxellois.e sur 4 qui reporte ses soins de santé alors que vous aviez déjà – depuis longtemps- les leviers pour y remédier.  Pour paraphraser une dirigeante socialiste Bruxelloise que vous connaissez, je dirais « mais c’est quoi ça ? »

Car en lisant attentivement cet accord de majorité mon groupe n’est guère rassuré. Une fois encore, malgré l’urgence annoncée vous prévoyez : des plans.

Madame et Messieurs, les membres du Collège, ne pensez-vous pas qu’au cours des dernières années, des plans nous en avons eu suffisamment ? Des plans jamais implémentés, des plans présentés mais non votés, des plans rendus obsolètes à peine publiés, car ils sont remplacés par la volonté de créer un nouveau plan. Plan pauvreté, nouveau plan pauvreté, plan santé, maintenant un nouveau plan santé – social : Plans, plans, plans !

Ce dont notre Région a besoin c’est du concret et une réelle prise en charge de la lutte contre la pauvreté. Et de toute urgence. Car des plans qui sont prêts vous en avez.

En matière de santé par exemple, si nous nous réjouissons d’apprendre que vos priorités s’articuleront autour de la réduction des inégalités de santé et d’une meilleure organisation des soins – qu’ils soient de première ou de seconde ligne – basée sur les principes de qualité et d’accessibilité, nous déplorons le manque trop important de détails sur les actions qui seront effectivement entreprises pour atteindre ces objectifs ambitieux.

Si la refonte des précédents plans en un seul plan global social-santé est une bonne idée et permettrait peut-être de décloisonner, coordonner et de renforcer – de manière structurelle – les institutions, les secteurs et les politiques menées à Bruxelles, nous regrettons de voir qu’aucune simplification institutionnelle ne soit prévue. Tout au mieux devrions-nous sans doute nous attendre à une multiplication d’accords de coopération entre les différentes entités compétentes à Bruxelles. Mais je suis persuadée que vous avez un bon plan tout prêt pour cela aussi.

Par ailleurs, s’il est vrai que la participation des pouvoirs locaux est cruciale dans la réussite de vos ambitions, le concept de « contractualisation » avec les CPAS nous laisse dubitatif/ve/s. Absent des programmes des partis de la majorité, ce concept reste flou et pour le moins complexe à mettre en œuvre.

Nous prenons d’ailleurs acte de votre volonté de mener des politiques ciblées en fonction du type de bénéficiaires. Le Groupe MR vous rejoint dans la plupart de ces choix-là. Toutefois, nous regrettons la place trop peu importante que vous accordez à l’encadrement du vieillissement de la population et à la perte d’autonomie. C’est un véritable enjeu à l’échelle bruxelloise ! Quelles mesures concrètes proposez-vous pour garantir une offre de service de qualité les concernant ? Quels mécanismes prévoyez-vous pour un financement pérenne de ces politiques ? Votre volet sur la santé est ambitieux, j’espère que sa mise en œuvre le sera plus encore.

Ce que nous saluons par contre dans cet accord c’est l’attention accordée aux femmes – dont la prise en compte de la situation spécifique des familles monoparentales-. C’est sans doute la première fois qu’un chapitre entier est consacré aux droits des femmes. Il est très court, mais il est là.

Nous applaudissons la volonté d’élever la lutte contre les violences faites aux femmes (de manière transversale Région/Cocom/Cocof) et tous les types d’harcèlement comme priorité pour cette législature. De votre haussement des épaules à l’évocation du sujet, vous en faites une vraie politique. On veut y croire !  Nous attendons donc avec grand intérêt vos propositions concrètes à ce sujet et vous pourrez compter sur notre soutien pour implémenter toute politique allant dans ce sens. Y compris concernant l’aide à la sortie de la prostitution.

Nous saluons également le fait de vouloir mener une réelle politique d’égalité femmes-hommes. En espérant que ce ne soient pas des mots creux car vous l’avez dit vous-même, votre premier acte, celui de la formation d’un gouvernement, est la 1èreoccasion ratée d’appliquer votre DPG je cite « le gouvernement garantira une égale représentation des femmes et des hommes dans l’ensemble des lieux de décision bruxellois », on voulait y croire, mais le plan a échoué. Nous avons bien entendu vos regrets, ils ne changent rien aux faits… Comment pensez-vous concrètement mettre en œuvre une politique au niveau régional, si vous n’y parvenez pas vous-même. Combien d’exceptions et de reculs devrons-nous tolérer ? Par ailleurs, nous ne trouvons aucune mention de la mise en œuvre de l’ordonnance gender mainstreaming et/ou gender budgeting dans toute la déclaration et notamment pour les matières COCOM, qui concernent l’aide aux personnes et sont donc particulièrement genrables. Puis-je vous rappeler que l’ordonnance stipule que le Collège réuni veille à la mise en oeuvre des objectifs de la quatrième Conférence de Pékin, et plus particulièrement à l’intégration de la dimension de genre dans l’ensemble des politiques, mesures, préparations de budgets ou actions qu’il prend et cela, en vue d’éviter ou de corriger d’éventuelles inégalités entre les femmes et les hommes. A cette fin, il présente en début de législature, à l’occasion de la déclaration de gouvernement, pour l’ensemble des politiques menées, les objectifs stratégiques qu’il entend réaliser au cours de celle-ci. Et institue un groupe de coordination composé de personnes choisies par le Collège réuni dans les services de chaque membre du Collège, et dans les OIP.

Cette année marquera l’anniversaire de Pékin+25, Bruxelles et la Cocom resteront-elles une fois encore à la traine ?

Sur un autre plan, nous ne pouvons que saluer le fait que la politique de sortie de rue devienne un axe central de la politique d’aide aux sans-abris. Nous le demandions de concert avec Ecolo depuis les rangs de l’opposition. A la lecture de votre accord il reste cependant difficile de concevoir comment cela pourra se traduire dans les faits. Vous dites vouloir quadrupler les moyens destinés au financement de Housing First pour répondre aux besoins. Mais comment 120 places x4 seront-elles une solution pour rencontrer la demande ? Et nous serions curieux de comprendre où vous trouverez le budget… sachant que vous souhaitez également adapter l’offre d’accueil d’urgence aux besoins, qui au cours des années n’a fait qu’augmenter….

Comment prévoyez-vous dès lors de financer cette politique ? Et quelles mesures spécifiques répondront au sans -abrisme féminin ?

Dernier point que j’évoquerai : le parcours d’intégration. Nous saluons la volonté de mettre en commun les bonnes pratiques des BON vers les BAPA (et inversement) par la mise en place d’une nouvelle coupole sous l’égide de la COCOM. Nous remarquons donc avec intérêt votre volonté de faire basculer la politique de l’intégration vers le bico. C’est plus cohérent en effet.

Nous nous souvenons par ailleurs que, récemment, un membre du Collège encore député à l’époque, s’interrogeait et doutait de la capacité à satisfaire la demande des bénéficiaires potentiels de ce parcours vu le nombre de places limitées (8000 en tout, 4000 par communauté) face aux besoins ad minima entre 11 et 13000 places. Avez-vous un plan pour revoir ces objectifs à la hausse ? Le cas échéant, le financement de ces places supplémentaires sera-t-il pris en charge par le budget de la COCOM ? Enfin, et tout aussi cruciale : la question de l’évaluation. Comme nous le savons l’Inburgering, pratiqué en Région flamande, lie l’attestation à une obligation de résultat en fin de parcours. Est-ce implicitement inclus dans ce que vous traduisez par « échange de bonnes pratiques » ? Ou devrons-nous encore attendre une prochaine législature pour ambitionner des conditions d’une intégration réussie ?

Comme je l’ai dit notre groupe veut y croire. Mais on aura besoin d’un sacré bon plan pour y parvenir.

Je vous remercie.

Viviane Teitelbaum

 

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