Bloc-notes

« Face au monde qui change il vaut mieux penser le changement que changer de pansement »

Mon intervention mandatée au nom du groupe MR dans la déclaration de politique générale en séance plénière le 17 octobre 2013

Monsieur le Ministre Président,
Cher-e-s Collègues,

Je tenais à vous féliciter car mes collègues ne s’en rendent peut‐être pas compte mais vous êtes un homme très courageux. Oser lire la note de politique générale Cocom que vous nous avez présentée ce matin, il fallait le faire ! Il fallait oser.
En cette journée internationale de la pauvreté, nous devons faire le triste constat qu’un Bruxellois sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Une pauvreté qui a malheureusement dans le monde comme chez nous un visage féminin. Une pauvreté qui gagne du terrain surtout chez les jeunes. Le constat n’est pas neuf. Hier, j’ai participé au Forum Bruxellois sur la pauvreté au nom de mon groupe et les associations demandent clairement aux élus Bruxellois de changer de cap, de réorienter nos politiques.
Monsieur le Ministre-Président, votre parti est au pouvoir dans cette région, depuis la création de la région. Vous avez la Ministre-présidence depuis presque 10 ans, sans discontinuer, même si vous n’êtes là que depuis quelques mois. C’est un sujet que vous dites mettre en avant dans vos programmes, pourtant le constat est sévère. En cette dernière déclaration de politique générale avant les élections votre discours est donc très courageux. Car les tristes constats sont là pour le passé, et les défis de l’avenir ne sont pas préparés, qu’il s’agisse du boom démographique, ou du transfert de compétences. J’y reviendrai.
Francis Blanche disait : « Face au monde qui change il vaut mieux penser le changement que changer de pansement », je l’ai déjà dit. Je pense qu’il est peut-être temps de comprendre et d’accepter que dans une série de politiques vous avez raté le cap.
Cela fait deux ans que l’on sait que la Commission communautaire commune devra endosser de nouvelles responsabilités suite à la 6e réforme de l’Etat. Cela fait deux ans que vous nous dites qu’on s’y prépare et pourtant rien n’a bougé…
Nous savons que les compétences pourront continuer à être gérée par les administrations fédérales (Inami, l’Office national de payement des allocations familiales,…) pendant encore quelques années, en attendant que nous nous préparions. Pour cette préparation, votre Collège avait nommé un manager intérimaire. Celui-ci étant insatisfaisant il avait fallu nommer un deuxième… Mais votre prédécesseur le rappelait l’année dernière, il ne s’agissait que d’une première étape avant des mesures de plus grande ampleur. Pourtant, cette première étape n’est toujours pas terminée. Où en est le rapport du manager intérimaire? Quelles sont ses conclusions ? Quelles avancées a-t-il permis de faire ? Aujourd’hui,
vous nous parlez de task-force régionale qui travaillera avec la CCC (Qui ? Comment ?) une task-force interfédérale avec des fonctionnaires de la CCC, qui aborde des sujets tels que le transfert du personnel, les bâtiments, les compétences transférées etc. Donc les mêmes? D’autres? Pourquoi? Comment? Vous nous parlez également d’études et d’engagement d’experts, (donc une entreprise privée de qualité – certes – pour faire le travail du manager ?)

Le manager ! Vous ajoutez même un manager de transition pour gérer l’arrivée des nouvelles compétences. Combien d’études faudra- t‐il ? Le « manager de transition » refait‐il le travail du « manager intérimaire » qui lui-même faisait le travail du manager? Quand commencerez vous donc à mettre en place des réformes ? Et surtout sur quelle base? Vous voulez peut-être aussi faire un test du manager?
La prise en charge des allocations familiales ainsi que des maisons de repos sont des compétences nouvelles colossales.
Les budgets impliqués sont 20 fois plus élevés que ceux que la Cocom a l’habitude de gérer. Je ne vous apprends rien en disant que notre administration n’est pas assez moderne, pas assez conséquente et pas assez compétente pour endosser de telles responsabilités. Il est donc indispensable de repenser complètement le système, de le moderniser. Je suis bien consciente que pour que les choses soient bien faites, il faut prendre les décisions posément, c’est pour cela que le fédéral garde la gestion des compétences pendant encore un moment… Posément, certes, mais il serait bien qu’au bout de deux ans, la première étape de l’analyse soit déjà terminée. Quand présenterez-vous les conclusions du manager intérimaire, du manager de transition et des autres taskforces devant l’Assemblée réunie ? Où en est la modernisation de votre administration ? Quelles avancées conséquentes pouvez‐vous nous présenter ?

Malheureusement, ce n’est pas le seul domaine où le mot d’ordre du gouvernement est « procrastination ». En effet, cela fait plus de 20 ans que la Région existe, plus de 10 ans que votre parti en est à la tête et plus de 20 ans qu’on sait qu’un boom démographique arrive. Pourtant, force est de constater que rien n’est prêt! Et cette situation touche les Bruxellois-es et ce, de tous âges. La pauvreté ne cesse de gagner du terrain à Bruxelles, je l’ai dit.
Maladroitement, vous nous dites que, bien souvent, l’aide aux personnes c’est l’aide aux justiciables. Que voulez-vous dire précisément ? Que doit on déduire en terme de liens entre la pauvreté, le CPAS, et ce groupe de personnes que vous ciblez ? Quel raccourci ou quelle stigmatisation des personnes dans la précarité ! En réponse à cette pauvreté, vous souhaitez mettre en place un « test pauvreté ». Vraiment ? Une pipette ? Une grille ? L’Observatoire de la Santé et du Social a-t-il validé ce « test » ?
Les premières victimes de cette pauvreté sont les enfants, on l’a dit. Mon groupe l’a rappelé hier : une famille sur trois vit sous le seuil de la pauvreté et un bébé sur quatre naît dans une famille sans revenu.
Cette pauvreté familiale a un impact direct sur l’enfant qui se voit privé de vacances, de loisirs, mais aussi parfois d’un logement chauffé, de chaussures à sa taille, d’une table pour faire ses devoirs, de protéines régulières, de fruits, de légumes ou simplement de jeux. Selon une étude publiée lundi par l’Institut wallon de l’évaluation de la prospective et de la statistique (Iweps) et analysée en long et en large dans tous nos médias, 39% des enfants bruxellois sont privés au moins de trois de ces choses. Ce résultat catastrophique nous permet d’obtenir la 24e place d’un classement européen où nous sommes suivi par le Portugal, la Lituanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie… La Belgique dans sa globalité est 13e de ce même classement. Le constat est encore plus lourd chez les familles monoparentales ou 49% des enfants sont privées de trois choses. La plupart de ces familles se privent de vacances mais presque 15 % des enfants sont privés d’un endroit pour faire leurs devoirs et presque 1 enfant sur 10 est privé d’un fruit ou d’un légume par jour ! Pourtant, l’accès à ces biens, mêmes si vous pouvez juger certains comme obsolètes je pense aux vacances, par exemple, ils font partie des standards belges et en être privé peut avoir un impact sur l’enfant. Beaucoup d’entre eux reproduiront le schéma de pauvreté dans leur vie d’adulte. Certains enfants partagent même un réel sentiment de honte et subiront des difficultés relationnelles pouvant gravement endommager leur santé mentale. Pensez-vous qu’ils aient besoin d’un test pauvreté pour reconnaître leur situation ?
Sur ce sujet, vous nous informez que la conférence interministérielle de la santé a pour ambition de mettre en place une nouvelle réforme concernant la santé mentale chez les jeunes enfants et les jeunes. Pouvez-vous nous en dire plus ? Où est en cette réforme ? Avez-vous déjà pu arrêter un agenda ?
Les jeunes adultes sont également de plus en plus dans une situation de précarité. En 2012, le taux de chômage chez les jeunes était de 36,4% ! Pourtant, il s’agit d’une période charnière dans la vie, une étape qui, souvent, définit l’avenir d’une personne. Un plan de lutte contre la pauvreté des jeunes bruxellois‐es a donc été mis en place, et je vous en félicite. Son objectif est d’évaluer l’impact de la politique existante concernant les jeunes et d’adapter les politiques aux besoins spécifiques des jeunes. Où en est ce plan ? Quelles sont ses conclusions ? Quels sont ses impact sur les politiques régionales ? Au niveau des adultes, ce sont les femmes qui sont de plus en plus touchées par la pauvreté. La pauvreté a un visage féminin aujourd’hui pas besoin de test non plus, par contre nous avons cruellement besoin de statistiques. Nous nous réjouissons par ailleurs que ce soit le thème du Rapport sur l’Etat de la pauvreté 2014. Enfin ! Je le répète, chaque année, comme une rengaine : par rapport aux compétences Cocom, ce sont majoritairement les femmes qui sont à la tête des familles monoparentales et ce sont encore toujours les femmes qui bénéficient le plus du revenu d’intégration et de la garantie du revenu aux personnes âgées. Malheureusement, ce n’est
toujours pas une priorité du gouvernement. Le sans-abrisme chez les femmes a donc triplé ces dix dernières années. Aujourd’hui, un tiers des bénéficiaires du SAMU social sont des femmes. Aucune structure n’est malheureusement adaptée à leurs besoins spécifiques, les femmes craignent d’y être violentées et préfèrent donc rester dans la rue malgré les dangers que cela comporte. Les femmes ne souhaitent pas non plus se tourner vers les structures sociales de peur de se voir retirer leurs enfants. Ils seraient donc temps d’accorder une attention particulière à cette problématique. D’offrir aux femmes en rupture de ménage un toit, d’abord une solution de transit, puis une solution durable afin qu’elles se reconstruisent et puissent aider leurs enfants, avant qu’ils ne reproduisent le même schéma. Malheureusement, aucune priorité n’est offerte pour l’octroi d’un logement social aux femmes dans ces situations. Les femmes restent donc dans des hébergements de transit, sans solutions à long terme. Vous indiquez vouloir « prolonger le renforcement des centres de jour et des maison d’accueil pour les femmes avec ou sans enfants », mais combien de place dans ce type de centre ont été créés l’année dernière ? L’année d’avant ? Depuis 10 ans ? Depuis 20 ans ? Combien doivent être créées cette année ?
Le boom démographique, associé à la paupérisation de la société, renforce également le sans-abrisme auquel il est important de s’attaquer. Le Plan grand froid avait été lancé l’année dernière un
mois plus tôt. Une évaluation de cette mesure a-t-elle pu être faite ? Comptez-vous réitérer cette initiative ?
Sur le sujet des personnes handicapées, vous soutenez beaucoup de projets divers mais peu de places d’accueil sont réellement créées. Combien de places la Cocom compte créer pour venir en aide aux personnes dans le besoin ? Vous comptez également apporter un plus grand service à domicile. Une formation a-t-elle été mise en place afin de former les aides soignants ? Combien de personnes ont été formées? Combien de personnes handicapées pourront bénéficier de tels soins ?
Vous expliquez également que la norme nursing a été élargie à la « grande dépendance ». De quoi s’agit-il ?
Si ça fait 20 ans qu’on parle du boom démographique, cela fait 50 ans qu’on parle du « papy boom ». En 2018, la Belgique et Région bruxelloise devront y faire face sur le plan financier via le fond de pension insuffisant. La presse d’aujourd’hui, appuyé par les propos d’un expert, le souligne : la Belgique n’est pas prête pour 2018 ! Pourtant, cela fait des années qu’on prévoit ce papy boom et cela fait des années que les gouvernements successifs disent qu’ils s’y préparent. Mais les plans se succèdent et les mesures manquent. Comme une journaliste le dit, nous pensons que: « le gouvernement doit cesser de croire qu’il pourra indéfiniment léguer cet héritage à son successeur » ! Bien que, dans votre présentation on sent bien à quoi vous pensez en terme de succession !
En 2012, la Région de Bruxelles-Capitale comptait 153.323 personnes âgées de plus de 65 ans (soit 14% de la population) et disposait de 15.002 lits dans des MR/MRS (9.232 MR et 5.770 MRS). Au cours de la dernière décennie, l’offre résidentielle a continuellement baissé, tant pour ce qui est du nombre d’établissements que du nombre de lits.
Actuellement il y a donc en moyenne un lit en maison de repos disponible pour dix personnes de plus de 65 ans.
Après 2021, le pourcentage de personnes âgées augmentera de façon considérable dans la population bruxelloise. Selon une étude de la VUB, le nombre de personnes de plus de 65 ans en Région de Bruxelles-Capitale sera de 183.000 en 2026 si les migrations restent stables (16% de la population bruxelloise) tandis que les plus de 80 ans représenteront 4,1% de la population.
Pour maintenir le ratio de 1 lit pour 10 personnes, il faudra donc 17.905 lits soit 2.904 lits en plus.
Cependant, la population bruxelloise qui va «entrer» dans les tranches d’âge les plus âgées est moins aisée, plus multiculturelle, et, par conséquent, porteuse d’une demande plus forte pour des soins de santé.
En 2025, les structures d’accueil devront faire face à une demande excédant l’offre.
Par ailleurs, selon un rapport de la Commission de contrôle budgétaire de l’Inami, les dépenses du secteur d’hébergement des personnes âgées n’ont cessé d’augmenter ces dernière années : 35 % en cinq ans, alors que le nombre de journées d’hébergement n’a crû que de 9 % dans le même laps de temps. Autrement dit, chaque senior hébergé coûte en moyenne de plus en plus cher à la collectivité.
Cette tendance à la hausse sera renforcée par le vieillissement de la population et par le fait que les personnes qui entreront en maison de repos seront plus âgées et auront besoin d’un encadrement plus important.
En somme, les défis pour le futur sont importants, et la conclusion d’un nouveau protocole d’accord qui permet la reconversion d’approximativement 750 lits de maison de repos (MR) en lits de maison de repos et de soins (MRS) d’ici à fin 2014 va dans le bon sens. Cependant, ce rythme de progression ne sera pas suffisant et il faut mettre à profit le temps qui nous reste pour accélérer le processus.
Pour le MR, Il est en effet important que les patients aient le choix du type d’institution qu’ils souhaitent fréquenter et à quelle place ils veulent aller. Il faut donc également développer d’autres offres pour les personnes âgées. La Maison Biloba et le soutient à certains projet
est une première étape. Mais il est important de continuer à développer d’autres solutions telles que le maintien à domicile, les centres d’accueil de jour, les centres de court séjour, les résidences services, les résidences-services sociales, des habitats groupés, un accueil familial des aînés et aînées dans des cohabitations de type kangourou, etc. Vous avez expliqué aujourd’hui que l’INAMI allait lancer un appel pour d’autres formes de soins aux personnes âgées, notamment le maintien à domicile. Pouvez-­‐vous nous en dire plus ? Où en êtes-vous dans le développement de la diversification de l’offre? Avez-vous également pris des initiatives propres à la Cocom ? Quelles sont vos projections quant aux besoins de lits MRS en Région bruxelloise ? Une planification relative à l’augmentation graduelle de création ou de reconversion de lits MRS est-­‐elle arrêtée ?
La santé du portefeuille va de pair avec la santé des personnes. Dans ce domaine là, vous expliquez que notre commission a entamé des concertations relatives au dépistage du cancer du col de l’utérus qui devraient aboutir début 2014. La Cocom avait également entamé une campagne de vaccination gratuite pour les jeunes filles de deuxième secondaire. Quels sont les résultats de cette campagne ?
En matière de politique hospitalière, les entités fédérées, dont la CCC, seront bientôt compétentes pour définir les normes auxquelles les hôpitaux, ainsi que les fonctions, les services et les programmes de soins hospitaliers doivent répondre pour être agréés. La programmation reste toutefois fédérale, de même que le financement des hôpitaux.
Le défi pour les entités fédérées sera de faire évoluer les actuelles règles d’agrément vers un système plus orienté vers la qualité des soins tout en veillant à ce que ces nouvelles règles n’aient pas d’impact négatif sur les budgets fédéraux (à défaut d’accord bilatéral). Il faudra également intégrer cette politique hospitalière dans un projet plus vaste visant les personnes âgées, les personnes en revalidation et les personnes souffrant de troubles mentaux.
Ces défis sont d’autant plus importants que, dans l’avenir, les hôpitaux seront de plus en plus organisés horizontalement, dans une orientation « prise en charge du patient », au lieu de l’être verticalement par service et ce tout en donnant une priorité de plus en plus grande à la qualité.
Les hôpitaux vont également devoir davantage se spécialiser, tout en collaborant beaucoup plus qu’actuellement avec les médecins de première ligne, les soins à domicile et les autres hôpitaux, à l’instar de ce qui est déjà réalisé dans le cadre de l’actuel projet « 107 » du secteur psychiatrique.
C’est à ces défis, qui impliquent un renforcement des fonctions de coordination et de référence, que doit répondre votre « plan hôpitaux ».
Vous nous annoncez que ce plan sera déposé sous peu sur la table du Gouvernement. Mais je souhaiterais en connaitre d’avantage sur son état d’avancement : Quand doit-­‐il être finalisé ? Une date a-t-elle été arrêtée ? Le cadre du plan a-t-il été clairement défini ? Les contacts ont‐ils été pris avec tous les acteurs concernés ? Qui sont ces acteurs ? Comment la coordination est-elle organisée ?
En matière de transport médico-sanitaire, le MR tient à dénoncer la lenteur avec laquelle le Collège a traité ce dossier. Le groupe MR a déposé une proposition dés 2009 que la majorité a malheureusement balayé d’un revers de la main selon le motif qu’il fallait préalablement avoir une concertation au sein de la conférence interministérielle. Aujourd’hui, le Collège n’a abouti à rien. Or l’absence de réglementations portant notamment sur les qualifications du personnel, sur l’équipement technique et sanitaire des véhicules, sur la traçabilité des prestations, sur les assurances ou, tout aussi important, sur les questions de la fixation et de la transparence des tarifs constitue une porte d’entrée pour les dérives. Le transport médico-sanitaire ne peut guère être géré comme une société de livraison de colis.
En conclusion, je regrette l’absence d’une vision à long terme de notre Région. Le transfert des compétences, le boom démographique, le papy boom sont des changements qui
s’anticipent, qui se préparent et qui imposent des mesures concrètes, à long terme. Il ne suffit plus d’imaginer des politiques dignes d’une rustine sur un pneu crevé. Il est temps de moderniser le système, d’avancer afin de faire face au boom démographique et à tout ce qu’il implique.
Viviane Teitelbaum

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.