La libération: moment de joies mais aussi prise de conscience et désespoir pour certains…
Dans la matinée du 3 septembre, les Allemands chargent en toute hâte des camions militaires. Déjà depuis quelques jours, ils se retirent, fuyant vers l’est. Mais avant leur départ, ils mettent le feu au Palais de Justice pour détruire les documents qui s’y trouvent encore.
Les Britanniques libèrent Bruxelles le 3 septembre accompagnés des Belges de la Brigade Piron et Anvers le jour suivant avec l’aide de la Witte Brigade de la Résistance belge qui a neutralisé les dispositions allemandes prises en vue de détruire les installations portuaires. Les Américains sont à Liège.
Les Allemands chassés, le Front de l’Indépendance investit quartier par quartier les maisons des inciviques. Les prisons se vident de leurs prisonniers politiques pour se remplir de collaborateurs.
Au fur et à mesure, partout le bonheur s’installe.
(…) »Paradoxalement, la Libération tant attendue et tellement espérée, représente pour les enfants juifs cachés la fin du rêve. Le silence et la culpabilité émergent. Brutalement, la mort et la solitude font irruption dans leur quotidien.
Après le songe et le mensonge vient l’attente, après la confiance survient le désespoir. Pendant des années, ils vont taire leur souffrance, enfouir cette douleur, mettre derrière eux ces années de tourment et de peine. Ils abritent une blessure béante, qu’ils croient encore pouvoir ignorer.
Pendant et après guerre, les enfants se sont souvent, et à différentes étapes, retrouvés avec d’autres dans la même situation. Ils ont vécu leur propre peine et partagé celle de leurs semblables. Tout ce vécu d’enfants abandonnés, en péril, angoissés, leur était perceptible par les mesures qu’ils devaient prendre, ne fût- ce qu’au moment de se prémunir contre des indiscrétions. En plus de la désolation de la séparation, de l’angoisse de l’abandon et de l’espoir des retrouvailles, toutes les histoires que les enfants se racontaient et tout ce qu’on leur annonçait était traumatisme. Qu’ils retrouvent leur parents ou non, ils en restent profondément marqués. Et pendant des décennies, ils continueront à endurer des cauchemars angoissants dont le cadre est la guerre, la peur.
Mais petit à petit, pour certains, la plaie se referme et cicatrise. L’apaisement vient alors sous la forme d’une identité acceptée ou retrouvée, d’une parole reconquise. Pas pour tous, ni tout à fait. La cicatrice demeure à tout jamais, tel un témoin, du mal enduré, de l’affliction subie. »(…)
(… extrait de mon livre : « Enfants cachés, les larmes sous le masque »)