Affirmer des valeurs universelles et fondamentales: la clarté du MR.
Voici la carte blanche rédigée par des mandataires MR suite à la réflexion initiée par le président Didier Reynders et menée avec sérénité par Daniel Bacquelaine. J’ai co-signé ce texte. Qu’en pensez-vous ?
Un pacte citoyen pour réussir un véritable
« vivre ensemble »
Daniel Bacquelaine, Xavier Baeselen, Françoise Bertiaux, Françoise Colinia, Christine Defraigne, Alain Destexhe, Corinne De Permentier, Amina Derbaki Sbaï,Vincent Dewolf, Denis Ducarme, Philippe Fontaine, Béatrice Fraiteur, Didier Gosuin, Kattrin Jadin, Eric Libert, Richard Miller, Philippe Monfils, Gilles Mouyard, Fatoumata Sidibe, Françoise Schepmans, Antoinette Spaak, Viviane Teitelbaum, Dominique Tilmans, Georges Verzin Mandataires MR
jeudi 01 octobre 2009
Les problématiques de l’intégration et du choix d’un modèle de société reviennent régulièrement dans l’actualité, à travers différents sujets comme le port du voile à l’école, les violences dans les quartiers en difficulté ou le statut de la femme dans certaines communautés. Ces questions relatives au « vivre ensemble » se posent avec de plus en plus d’insistance. Trop longtemps, le débat a été encommissionné. Trop souvent d’aucuns ont vilipendé, au nom du politiquement correct, celles et ceux qui doutaient de la pertinence des politiques d’intégration menées jusqu’alors. Nous pensons, au contraire, que le politique doit poser un choix clair quant au modèle de société. C’est ce que les Réformateurs s’engagent à faire. Nous souhaitons rappeler ici la position – issue d’une réflexion interne proposée par Didier Reynders et menée au sein d’un groupe de travail présidé par Daniel Bacquelaine – que le MR défendra dans le débat que doivent s’approprier les parlements.
Deux modèles de société s’offrent à nous. Le multiculturalisme, tout d’abord, envisage l’individu essentiellement comme le membre d’une communauté caractérisée par une culture, une religion, une origine ethnique. Ce courant se fonde généralement sur le relativisme culturel et les accommodements raisonnables, c’est-à-dire l’affirmation inconditionnelle de l’équivalence des systèmes de pensée et la justification de la différenciation des droits.
Nous ne souscrivons pas à ce modèle et ce, pour deux raisons. D’une part, il ne rencontre pas notre projet d’une société conçue comme un ensemble cohérent : on y revendique sa différence avant d’y revendiquer sa participation à un modèle commun. Il s’ensuit une accentuation des différences identitaires menant, in fine, au communautarisme, à une forme de « babélisation » du vivre ensemble, ainsi qu’à l’émergence de castes légales. Ce « droit à l’isolement » génère la méconnaissance mutuelle, la peur de l’autre et des tensions sociales. D’autre part, cette parcellisation de la société et le « relativisme culturel » conduisent à des dérives qui sont la négation même des principes d’égalité et de libre choix. Ainsi, l’on ne peut admettre qu’un mari s’oppose aux soins que requiert l’état de santé de son épouse, au motif que le médecin est un homme ou que ses croyances lui interdisent telle pratique médicale. Au nom de l’application différenciée des droits, on ne peut refuser à une personne un droit fondamental.
A l’opposé de ce modèle, l’interculturalisme fait prévaloir l’individu sur ses attaches culturelles, philosophiques ou religieuses : les droits et les devoirs du citoyen ne sont pas fonction de ses affinités ni de ses origines ethniques. Ce modèle postule également qu’une société ne peut se construire et favoriser au mieux l’intégration de tous que si les citoyens partagent un patrimoine commun de valeurs fondamentales, tels que le droit à la vie, la liberté de conscience, la démocratie, l’égalité de l’homme et de la femme ou encore la séparation des Eglises et de l’Etat. Ces valeurs sont universelles : elles ne sont pas l’apanage d’une culture ou d’une époque. Au contraire, elles s’imposent à tout Etat qui ambitionne l’émancipation de l’ensemble de ses membres. Ce modèle ne postule pas l’indifférence de l’Etat à l’égard de la diversité des cultures. Au contraire, cette diversité sera valorisée par l’Etat pour autant que ces cultures s’inscrivent dans le respect des valeurs fondamentales.
Nous souscrivons à ce modèle. Nous notons qu’y souscrit également la conception moderne de l’Islam des Lumières, qui partage la référence aux valeurs universelles. L’ambassadeur du Maroc en Belgique le souligne, dans une interview au Vif. Dans la foulée, il appelle l’Etat belge à prendre garde à l’intégrisme qui se nourrit d’une trop grande
complaisance vis-à-vis des idées hostiles aux valeurs fondamentales.
C’est en raison du choix clair pour le modèle de l’interculturalisme que le MR s’est prononcé pour l’interdiction du port ostentatoire de tout signe convictionnel – en ce compris politique – au sein de l’école publique. En tant que lieu d’émancipation, l’école, passeuse des valeurs, doit favoriser la rencontre entre les élèves par-delà leurs sensibilités culturelles, religieuses ou politiques. Ce respect mutuel fondé sur la connaissance de l’autre doit sous-tendre l’organisation, pour tous les élèves, d’un cours des philosophies, des religions et de la citoyenneté. L’école ne peut, par ailleurs, tolérer le port de signes qui, dans une conception réductrice de la religion musulmane, symbolisent la soumission de la femme à l’homme et manifestent une démarche prosélyte. En prétextant des libertés pour autoriser le voile à l’école, l’on accepte que pour certaines jeunes filles qui ne sont pas en état d’exercer leur liberté de choix – en raison de leur jeune âge ou de leur contexte social –, le droit à la différence se mue en un devoir d’appartenance. C’est aussi accepter que ces jeunes filles soient instrumentalisées. Ce faisant, on les abandonne à des conceptions qu’elles ne partagent pas nécessairement et qui sont incompatibles avec le substrat de valeurs essentielles qui fondent notre société. En l’occurrence, la loi que nous suggérons vient en soutien aux libertés réelles.
Dans ce contexte, l’aphorisme de Lacordaire prend tout son sens : « Entre le fort et le faible c’est la liberté qui opprime et le droit qui libère « .
De même, il ne peut être toléré qu’au nom d’un courant qui prône le créationnisme, des élèves revendiquent le droit de ne plus assister aux cours de biologie. On ne peut davantage admettre que des professeurs d’histoire hésitent à aborder la Shoah de peur d’affronter l’opposition d’élèves influencés par les idées révisionnistes. Ces évolutions vont à l’encontre de l’émancipation et de l’égalité des chances des élèves. Pour les mêmes motifs, l’ensemble des élèves doit pouvoir bénéficier des cours d’éducation physique et de natation.
C’est encore en référence aux valeurs universelles que nous nous opposons au port de la burqa ou du niqab, car c’est par le visage que se manifeste notre humanité. Dans une société fondée sur la rencontre entre tous, l’on ne peut renoncer au principe du « Reconnaître pour connaître ».
Quant à la fonction publique, il est essentiel qu’elle soit exercée dans le respect d’une stricte impartialité. À aucun moment, l’administré ne doit pouvoir considérer que ses droits et obligations sont influencés par ses affinités culturelles ou philosophiques, ou par celles de son correspondant au sein de l’administration. Il s’ensuit que toute personne exerçant une mission de service public, en contact ou non avec l’usager, doit refléter cette neutralité dans son attitude et ses vêtements.
C’est à l’aune de ce cadre normatif que nous prendrons une part active aux Assises de l’interculturalité. Nous y rappellerons que les politiques d’intégration ne peuvent s’accommoder de la négation des droits fondamentaux : l’application différenciée de ces droits n’est pas tolérable pour le MR. Nous défendrons nos propositions d’intégration par le travail, le logement ou l’éducation. Nous continuerons à promouvoir des politiques volontaristes afin de lutter contre toutes discriminations reposant sur des motifs raciaux ou sexuels.
Il est temps que le politique porte le dossier de l’intégration. Nous veillerons, par le dépôt de nos propositions, à ce que les parlements entrent enfin dans le vif du sujet. Il en va de l’affirmation des valeurs fondamentales et de la définition d’un pacte citoyen pour réussir un véritable « vivre ensemble ».
Un commentaire
BORUCHOWITCH Adi
Remarquable travail de fond, clair, précis, affirmé. L’esprit des échanges suscités par les textes ou les simples commentaires mis en ligne sur facebook par Caroline Fourest, Nadia Geerts, Philippe Chansay-Wilmotte et beaucoup d’autres contributeurs s’inscrit parfaitement dans le modèle sociétal défendu par le MR.
Si la Flandre s’est déjà engagée dans cette voie, en se prononçant pour l’interdiction du port du voile à l’école, la Belgique francophone tergiverse encore, les querelles politiques de clocher prévalant sur le débat d’idées. En l’état, les propositions formulées par le MR sont assurément inacceptables pour L’Olivier, (hélas) majoritaire en « FrancoBelgique ». Elles vont, en effet, à l’encontre des agissements clientélistes orchestrés au ras des pâquerettes par les trois composantes de L’Olivier, le PS et ses deux annexes, le cdH et Ecolo.
La partie est-elle pour autant déjà jouée ?
On peut espérer un sursaut civique de quelques voix « démocrates humanistes » et « vertes » lors des délibérations en sessions parlementaires. Quoi qu’il en soit, les enjeux sont suffisamment importants et la bataille en sera d’autant plus rude !