Mon discours lors de la manifestation contre la lapidation devant le Palais de Justice
Le Conseil des Femmes Francophones de Belgique et le Nationale Vrouwenraad ont réuni 350 personnes devant le Palais de Justice
voici mon intervention:
Mesdames, Messieurs,
Amies, amis démocrates bonjour !
Quelle personne sensée, qu’elle soit européenne, ou d’ailleurs, mais d’une conception non moyenâgeuse pourrait être en faveur de la lapidation ? Ou de l’excision ? Ou de la mutilation du voleur ? Ou de la pendaison de l’homosexuel ? Ou du confinement de la femme à la maison, ou de l’asservissement de la femme à son mari, ou de son statut d’inférieure ?
Quand l’Iran ou un autre pays se livre à une parodie de justice, faut il manifester pour cela ? Je dis oui. Et vous ?
Pour dire à un tyran qu’il bafoue les droits élémentaires de l’homme et de la femme? Non, mais pour dire haut et fort que la démocratie n’est pas à géométrie variable et que nous défendons et défendrons ses valeurs, les valeurs de la démocratie, partout et toujours.
Les femmes sont plus de moitié de l’humanité ! Et nous sommes au 21è siècle. Alors cette manifestation est-elle une manière de donner bonne conscience aux quelques milliers de gens dans une centaine de villes dans le monde aujourd’hui ? Non, je ne l’espère pas et vous ?
Non, mais cette manifestation devrait rassembler un milliard de personnes. Et donc il faut que celle-ci soit relayée par les organismes qui y participent – vous, nous – auprès des mollahs qui encore trop souvent sévissent pour humilier, condamner ou enfermer les femmes. Car ici et maintenant, nous femmes et hommes, qui manifestons, nous disons non à la HAINE. Non, à la barbarie de la lapidation car c’est bien de cela qu’il s’agit.
La lapidation, littéralement « tuer à coups de pierres » est au 21e siècle, la forme la plus barbare parmi les violences et les massacres à l’encontre des femmes qui se perpétuent encore et encore !
C’est une conception de la justice, des droits des citoyens, d’un autre âge. Nos droits, nous les avons conquis en Europe lors de la Révolution française, mais également par des combats quotidiens pour lutter pour l’accès de la femme au marché du travail, à certaines professions, à la fin de son statut de minorité sous tutelle de son père puis de son mari, pour le droit de vote (il n’y a pas un siècle), contre l’homophobie, etc. Nous les femmes (et vous les hommes qui manifestez avec nous aujourd’hui) sommes nous conscients de tout le cheminement de notre civilisation pour arriver à une certaine liberté, certes loin d’être parfaite, mais sans comparaison avec le carcan dans lequel d’autres peuples sont encore enfermés, comme au Nigéria, en Arabie Saoudite, en Iran, au Soudan, en Afghanistan, Indonésie, au Pakistan au Yémen, pour ne citer que les principaux. Là, la mort par lapidation est encore un supplice auquel des femmes – pour la plupart – sont soumises. Or, parmi ces pays, certains sont signataires des conventions des Droits de l’Homme. Quelle ironie!
Sakineh Ashtiani croupit depuis cinq ans dans le fond d’une prison iranienne. Elle a déjà été punie par 99 coups de fouet administrés en présence de l’un de ses deux enfants.
Comment peut on parler de « justice » quand il s’agit d’une exécution publique, où, le ou la supplicié (e ) est jeté(e ) dans une fosse ou enterré jusqu’à l’épaule. Et qu’à tour de rôle ou en groupe les exécutants jettent des pierres de la taille d’un poing jusqu’à ce que la mort s’en suive. Et le code pénal iranien précise : « Les pierres utilisées pour infliger la mort par lapidation ne devront pas être grosses au point que le condamné meure après en avoir reçu une ou deux. Elles ne devront pas non plus être si petites qu’on ne puisse leur donner le nom de pierre. La taille moyenne est choisie généralement afin de faire expier la faute par la souffrance. »
Mais de quelle justice parlons nous ? La lapidation en Iran est un outil politique aux mains d’un régime islamique pour opprimer la société entière et de l’une des façons les plus sauvages qui existent. La lapidation est ainsi un outil, au milieu de tant d’outils religieux, archaïques et répressifs, pour maintenir les femmes soi disant à leur place.
Dans les pays en proie à des conflits armés ainsi que dans les pays qui ont instauré la charia, la violence à l’égard des femmes est commanditée. Les femmes qui ne peuvent pas se défendre sont la cible de fanatiques et de tribunaux islamiques.
Aujourd’hui la voix de Sakineh a atteint le monde, aujourd’hui Sakineh représente toutes les victimes de la l’obscurantisme. Aujourd’hui nous sommes toutes et tous Sakineh Ashtiani. Car sa vie, leurs vies est un « cauchemar devenu réalité ».
Il est urgent d’exiger le renoncement à toute forme d’exécution pour adultère. Il est urgent, au-delà même du cas de Sakineh, que l’ONU rappelle aux régimes des Mollahs que nous exigeons l’abolition de ce type de châtiments. Car, que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !
La lapidation est un meurtre barbare que rien ne peut justifier. Et nous sommes ici ensemble, pour le faire savoir. Et c’est pourquoi, maintenant, ensemble, nous allons construire un mur symbolique de protection contre la lapidation.
Merci !
Viviane Teitelbaum
Présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique