Mon intervention en commission pour présenter la résolution contre toute amnistie
Voici le texte de mon intervention pour présenter en commission des finances ce jeudi 9 juin 2011, la proposition de résolution exprimant le soutien au devoir de mémoire et contre toute amnistie.
Il y a 66 ans la tragédie de la Deuxième Guerre mondiale s’achevait et avec elle prenait fin l’extermination des Juifs, l’exécution et la déportation des résistants au régime nazis.
A plusieurs reprises, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des tentatives de réhabilitation de ceux qui furent traîtres à leur patrie ont été faites. En 1998, le « décret Suykerbuyk » qui plaçait des inciviques sur le même pied que les victimes de guerre et qui visait à accorder une aide complémentaire à des personnes vivant dans une situation de précarité par suite de circonstances dues à la guerre, à la répression et à l’épuration a été votée. Des recours ont été déposé car déjà nous ne pouvions accepter que des inciviques soient placés sur le même pied que les victimes de guerre, dont nous démocrates restons les représentants, les héritiers physiques, les légataires spirituels. Car déjà nous ne pouvions imaginer que des fonds publics servent à récompenser des personnes qui ont été condamnées pour leur collaboration avec le régime nazi. Heureusement la Cour d’arbitrage a annulé le décret Suykerbuyk, qui ne sera jamais appliqué.
Il y a plus d’un demi siècle ou il y a seulement un peu plus d’un demi siècle devrais je dire que hommes, femmes et enfants ont enfin vu se lever le jour de la liberté retrouvée. Nombreux d’entre eux n’avaient ni force ni goût pour fêter la victoire de la démocratie sur la barbarie nazie, nombreux d’entre eux, affaiblis par les années de camps, frôlant la mort au quotidien, ne pouvaient même pas compter les survivants.
Les enfants qui ont 18 ans aujourd’hui ne conserveront de l’histoire que les notions qui leur auront été transmises par ceux qui l’ont vécue et qui ont réussi à survivre, et par ceux qui la leur enseignent aujourd’hui.
Ces enfants qui ont 18 ans en l’an 2011 ont toujours connu le SIDA, n’étaient pas nés lors de la chute du Mur de Berlin ou lorsque l’URSS s’est décomposée. Pour eux la guerre du Vietnam est de l’histoire ancienne. Ils craignent peut-être une guerre nucléaire, mais Tienanmen ne représente sans doute rien à leurs yeux… De manière plus anecdotique, ils ont été accueillis dans les foyers bien après les premiers ordinateurs portables, n’ont pas connu la télévision en noir en blanc et sont nés dix ans après le baladeur, qui n’existe plus.
Alors enseignons leur l’histoire correctement c’est là notre responsabilité, mais inculquons leurs aussi des valeurs d’humanisme, empreintes de justice et de tolérance afin qu’ils deviennent des citoyens et des citoyennes conscients de leurs devoirs au sein d’une démocratie qu’ils auront à cœur de défendre, dans laquelle ils auront le bonheur et la fierté de vivre.
Car l’histoire que nous écrivons, que nous vivons pose tous les jours de nouveaux défis. Quotidiennement, nous sommes confrontés à d’autres difficultés, à de nouvelles interrogations.
Paradoxalement à l’heure où l’Europe se forme, où les citoyens et les jeunes de tous les pays élargissent leurs horizons, une extrême droite active et fascisante réapparaît dans différents pays. Et nous devons nous battre afin que ce troisième millénaire voie les frontières du racisme s’effondrer.
Ensemble, nous souhaitons nous retrouver dans une lecture commune des événements de la Shoah et aborder en Belgique, le travail de mémoire sur les responsabilités.
66 ans après la Libération des camps nazis l’ amnistie, l’oubli, résonnent telles les dérives antidémocratiques, nationalistes, révisionnistes, qu’elles contiennent. L’amnistie, ou la réhabilitation des inciviques, est une atteinte aux valeurs démocratiques. Cette pseudo réconciliation constitue en outre une porte ouverte au négationnisme et/ou à l’oubli. L’on ne peut aujourd’hui, alors que le travail entamé sur les responsabilités des autorités belges n’a pas encore abouti, que l’antisémitisme se développe à nouveau et que le nationalisme reprend des forces, accepter que soient disculpés ceux qui ont collaboré avec les nazis. La démarche de demande de pardon doit rester personnelle, la mémoire doit être partagée.
La loi Vermeylen de 1961 qui est d’ailleurs une loi très tolérante pour qui veut bien la lire, demande à tous ceux qui ont été condamnés à plus de trois ans, c’est-à-dire pour des faits d’une certaine gravité – car tous les autres ont bénéficié d’une amnistie automatique –, elle demande qu’à tout le moins deux démarches soient effectuées : la demande volontaire de bénéficier de la mesure d’amnistie individuelle, la reconnaissance de l’erreur et l’engagement de respecter la Constitution, c’est-à-dire les valeurs fondamentales de notre pays. Laisser entendre qu’il faudrait rouvrir un débat dans nos Assemblées parlementaires sur cette question n’a aucun sens !
Je le répète, la démarche du pardon doit rester individuelle, la mémoire doit rester collective, d’où le dépôt de ce texte ici.
Je suis donc vraiment contente que tous les partis signent ce texte à travers un amendement global.