Des mots contre les maux
Les propos d’Olivier Maingain étaient sans nulle doute une réaction très musclée face au refus flamand de nommer les bourgmestres francophones des communes à facilités et contre l’idée flamande d’envoyer un fonctionnaire remplir leur rôle. Accusateurs, certes, ces propos n’étaient pour autant pas un dérapage. Olivier Maingain ne comparait pas la Shoah de manière indécente, il rappelait l’Histoire face à une volonté de la NVA de détourner la démocratie. Il n’y a pas ici de comparaison inconvenante, inopportune ou déplacée, mais l’évocation de faits qui se sont déroulés sous le régime d’occupation. Qu’il ait raison ou non de l’avoir fait sur un plan d’opportunité politique n’est pas mon problème, mais qu’il lui soit interdit de le faire est inacceptable.
Pourquoi ?
Les dérapages verbaux intempestifs débouchent inéluctablement sur la banalisation, voire l’incitation à la haine. Ils nuisent au bon fonctionnement de nos institutions, dénigrent les hommes et les femmes qui sont engagés dans l’action politique. Mais à contrario l’on ne peut empêcher un démocrate, respectueux, engagé pour la Mémoire, qui connaît l’Histoire, de s’exprimer en agitant le spectre que l’histoire pourrait se répéter.
La singularité de la Shoah ne peut apparaître comme subjective, comme étant uniquement juive : notre mémoire doit rejoindre celle de notre pays, celle de la Belgique. Car notre mémoire, même si nous revendiquons le droit d’en exprimer le devoir, concerne tout le monde, nous concerne tous. Et c’est pour cela qu’il est si important que nous nous rejoignions, enfin, dans une lecture commune des événements de la Shoah – lecture indissociable de celle de la Deuxième Guerre mondiale. Plus fort qu’un symbole, c’est une reconnaissance qui va bien au-delà des mots.
Par contre, lorsque certains élus de gauche (de cette gauche bien pensante PS-Cdh -Ecolo) dérapent dans des comparaisons qui insultent l’histoire et la Mémoire nous n’avons jamais entendu, ne fut ce que chuchoter – ceux qui aujourd’hui se prétendent choqués. Pourquoi ? Parce qu’ils partagent leur conviction politique ?
Par exemple, lorsque José Happart, compare les sanctions prises à l’encontre du manque d’éthique de certains responsables politiques wallons, qui se seraient rendus coupables de malversations, aux premières mesures discriminatoires des nazis. Ou lorsque Madame Onkelinx compare la régularisation des Imams en Belgique au port de l’étoile jaune, rendu obligatoire pour les Juifs le 7 juin 1942. Ou, lorsque Véronique De Keyser compare le mur de sécurité israélien aux camps de concentration! Il est vrai que là, la comparaison est d’abord une injure à tous ceux qui ont survécu ou sont morts assassinés dans les camps de concentration, aussi appelés « camps de la mort lente » car les détenus y mouraient en travaillant. Y étaient enfermés les Juifs, les opposants politiques, les détenus de droit commun, les homosexuels, les prisonniers russes[1]. Une insulte aussi à tous ceux qui ont du porter l’étoile jaune, ou à ceux qui, résistants, partisans ou combattants ont tenté au nom d’une éthique et d’un courage sans limite de modifier un peu le cours de cette période noire de l’humanité, appelée Shoah.
Alors oui, les comparaisons sont honteuses. Mais il est temps que l’auteur d’un fait inqualifiable soit condamné pour ce qu’il a fait. Que ce soit un malfrat adolescent en rue, un voleur, un assassin. Que ce soit un homme d’affaires, un avocat, un homme ou une femme politique qui utilise son pouvoir à mauvais escient ou est l’auteur de tels dérapages.
Mais que l’on arrête d’accuser ceux et celles qui, comme Olivier Maingain, ne sont pas fautifs. Que l’on cesse de les blâmer car on ose pas s’attaquer à ceux qui sont coupables.
Viviane Teitelbaum
[1] À ne pas confondre avec les camps d’extermination, créés par les nazis dans le cadre de la « solution finale », pour l’extermination systématique des Juifs, même si d’autres y sont également morts. Exemples : Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor.
3 commentaires
paul opoczynski
Je réside dans l’une des ces communes dites à facilité. Les bourgmestres ont été élus démocratiquement. Refuser dès lors leur nomination est anticonstitutionnel et vouloir que soient proposés d’autres « candidats acceptables » relève effectivement d’une période sombre de notre histoire où les nominations étaient le fait de l’occupant. Monsieur Maingain y fait allusion. L’affirmation qu’ils ne seront jamais nommés sauf par des « gens qui auront notre confiance » dixit Monsieur Bart De Wever correspond bien en ce sens au passé trouble de sa famille dont on connaît les sympathies d’alors.
Si Monsieur Susskind habitait une de ces communes il pourrait comme moi, se sentir concerné par le débat. Cependant en tant qu’enfant caché, donc juif, je ne lui reconnais aucun droit de faire allusion à la Shoah pour demander des comptes à Monsieur Maingain. Son intervention est ici, déplacée quand bien même l’on pourrait comprendre son obsession de la déportation des membres de sa famille, de la Shoah. Non, décidemment, rien ne justifie cette intervention que le Soir s’est fait un plaisir de diffuser pour des raisons que je qualifierai de « politiques ».
S’il avait encore un peu de jugeote, le mieux qu’il aurait à faire serait de présenter ses excuses et à Messieurs Reynders et Maingain.
Paul Opoczynski
5 avril 2010
Bastin Pol
Bonjour Viviane,
Puis-je te dire que je partage tout à fait ton analyse : Olivier est un véritable démocratique qui n’a que le tort de ne pas faire partie de la « galaxie de l’olivier ».
Peut-être est-il trop près de la vérité pour ceux-là!
Et, ce n’est pas la dernière découverte du « screening » des candidats acheteurs dans les communes d’Overijse, Gooik qui lui donnera tort.
Geert B. va-t-il mettre les bourgmestres de ces trois communes flamandes hors le loi?
Oui, pour moi aussi, nous assistons à des pratiques d’un autre âge, inacceptables pour ceux qui croient encore en la Belgique fédérale.
bockstael pierre
A croire que Mr SUSSKIND a commenté un texte sans
l’avoir lu !Comment est-ce possible de sa part !
A mes yeux, il a perdu toute crédibilité.