Quelque chose dans le « plus jamais ça » n’a pas fonctionné
Nous sommes 65 ans après la déclaration historique de Schuman, le point de départ d’une collaboration pour assurer une paix durable en Europe.
La défense et l’approfondissement des droits et des libertés étaient au cœur du projet d’une Europe à (re)construire sur les cendres d’Auschwitz.
65 ans après, l’illusion démocratique défie les bases solides créées sur la notion du « plus jamais ça »
Si l’Europe des Monnet, Spaak, Adenauer et consorts s’est élargie à 28 Etats, si le projet de coopération rend toute guerre improbable, si les échanges sont une réalité économique, un nouveau génocide a pourtant eu lieu au Rwanda, le négationisme à l’encontre des Arménien-ne-s, des Tutsi-e-s et de la Shoah reste d’actualité, l’antisémitisme revient en force et certains membres du club ne jouent pas selon les règles du jeu.
70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la pensée généreuse de la nécessaire ouverture à l’Autre est instrumentalisée, anesthésiant la critique et débouchant sur un politiquement correct qui permet les dérives qu’elle combat. Les extrémismes et conservatismes politiques et religieux gagnent du terrain et des voix.
Quelque chose dans le « plus jamais ça » n’a pas fonctionné.
Exemples choisis:
Extrémismes incompatibles avec la démocratie, mais tolérés néanmoins
Prenons un premier exemple tonitruant : l’extrême droite hongroise. Jobbik promeut haine, antisémitisme, racisme, et machisme et dénigre les valeurs démocratiques pour lesquelles nous nous engageons dans tous les parlements en Europe. Pourquoi si peu de réactions ?
Pourquoi si peu de réactions face aux conservatismes religieux qui refont surface comme l’initiative européenne « One of us » qui récolte près de deux millions de signatures contre le droit à l’avortement ou comme les Frères Musulmans qui infiltrent nombre de structures comme l’a rappelé récemment le Vif l’Express.
Que dire de et à la Grèce où la gauche radicale et la droite extrême se rejoignent dans un projet anti-européen.
Lorsque les démocrates évitent les sujets qui fâchent, les extrémistes s’en emparent. Ce sont nos non-réponses qui permettent donc aux fascistes, islamistes et extrémistes de tous bords de progresser.
Droits des femmes : l’égalité on y est pas..
L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale de l’Union européenne et de ses États membres. Pourtant ces 15 dernières années, les droits des femmes en Europe et dans le monde ont été remis en cause et ont subi des attaques radicales. Reculs, régressions et violations des droits fondamentaux sont monnaie courante.
Les femmes restent sous-représentées partout dans la prise de décision, en raison de la persistance de stéréotypes. Les droits des femmes font face à une régression plus forte que jamais, surtout en Europe centrale, mais aussi chez nous où les groupes ultra-conservateurs et religieux remettent systématiquement l’égalité en question, en attaquant les droits sexuels et reproductifs des femmes, l’éducation sexuelle, l’accès des femmes à l’emploi et à la prise de décisions. 65 ans après avoir créé un projet pour toutes et tous, les inégalités perdurent.
Antisémitisme : les Juifs à nouveau visés en tant que tels… et certains quittent l’Europe
70 ans après la fin de la guerre les verrous ont sauté dans tous les pays d’Europe, alors que la Shoah a fait de l’Europe le plus grand cimetière de l’Occident. On y crie à nouveau « morts aux Juifs » dans les rues de Paris, Bruxelles, Copenhagen, Londres, Malmo, Budapest, Madrid ou Athènes.
En Europe, aujourd’hui encore, ou à nouveau, des Juifs sont assassinés pour la seule raison qu’ils sont Juifs. Un antisémitisme nouveau doublé d’un antisionisme virulent : insultes, tags, menaces, agressions verbales et physiques, profanations de sépultures, glorification des assassins sur les réseaux sociaux ou sur les murs de nos villes.
Un antisionisme idéologique qui est bien plus qu’une critique, fût-elle radicale, de la politique israélienne : il s’agit d’une posture anti-israélienne obsessionnelle que prennent certains politiques et de nombreuses associations ou/et individus. Tous ces éléments se retrouvent dans un courrier méprisable* que j’ai reçu: il s’adresse aux « crapules juives », il nazifie Israéliens et Juifs, il traite les Juifs de Belgique de «complices et collabos ».
voir le reportage: 535872.aspx
La liberté d’expression est malmenée, ceux qui l’expriment sans réserve ont été assassiné-e-s. Par les mêmes qui sont sexistes, homophobes… ….
Qu’avons-nous raté ?
J’ai décidé d’écrire ce texte parce que lors du défilé du 1er mai des libéraux à Jodoigne, des militant-e-s de la CSC présent-e-s pour contester la politique du gouvernement (et pourquoi pas, on est en démocratie !) ont crié divers slogans à notre encontre dont « nazis ». Et là, moi enfant d’enfant cachée, belle-fille de survivant d’Auschwitz, défendant les valeurs démocratiques au quotidien, je me suis dit : quelque chose dans le « plus jamais ça » n’a pas fonctionné.
De multiples facteurs ont été progressivement responsables de cet abandon de nos valeurs.
Oubli ou éducation au rabais ? Je ne sais pas. Les deux sans doute.
Quel virage, quelle marche avons-nous manquée pour que toute cette haine se multiplie, dans cette Europe où les valeurs humanistes et les lumières ont été assassinées une première fois à Auschwitz ?
* Ce courrier abject n’appelle qu’une plainte que j’ai déposée ce vendredi et constituion de partie civile que je ferai dans les prochains jours.