Antisémitisme: Un aveuglement très malsain, une manipulation totalement abjecte
Un texte que je cosigne avec mon ami Yves Caelen
Quelques mois à peine après l’attentat du Musée juif et alors que l’ensemble des institutions religieuses, communautaires et culturelles juives se trouvent sous protection policière, deux organisations bruxelloises (Tayush, un groupe de réflexion « pour un pluralisme actif » et Bruxelles Laïque) organisent ce 26 janvier une conférence sur le thème de l’antisémitisme.
Pour traiter un sujet aussi grave que celui-là, on pourrait simplement s’étonner que les invités soient Alain Gresh, un journaliste surtout connu pour ses analyses et prises de position sur le Moyen-Orient, et Farid el-Asri, un professeur-assistant de l’Université de Rabat, auteur notamment d’une dissertation sur le statut des Juifs d’El-Andalous. Aucun des nombreux spécialistes de l’histoire ou de la sociologie de l’antisémitisme n’a apparemment pu se libérer…
L’étonnement cède le pas à la colère quand on lit la présentation du débat sur le site de Tayush: les auteurs de ce texte semble considérer que l’extrême-droite européenne aurait totalement et définitivement tourné le dos à l’antisémitisme. Ont-ils oublié de lire la presse ou de consulter internet récemment?
Le pire se trouve dans ce paragraphe dont le contenu est à ce point odieux qu’il convient de le citer dans son intégralité pour oser y croire: « Mais comment nommer ce sentiment qui monte à l’encontre des Juifs dans les populations arabes d’ici et d’ailleurs et qui arme la main d’un Mohamed Merah et d’un Mehdi Nemmouche? L’antisionisme débouche-t-il – parfois, toujours… – sur la haine des Juifs? N’est-ce pas plutôt la propagande israélienne qui cherche à disqualifier toute opposition à sa politique en agitant les spectre de l’antisémitisme? »…
Voilà donc l’explication !
De même que la haine et le meurtre des Juifs s’expliquaient jadis par le sang versé du Christ,
de même qu’ils s’expliquaient pour les contemporains de Shakespeare par le refus de l’usure,
de même qu’ils s’expliquaient pour ceux qui condamnèrent Dreyfus par leur nécessaire traîtrise,
de même qu’à d’autres moments ce fut l’accusation de souiller la race et de corrompre l’esprit du peuple qui fut sollicitée,
tout s’expliquerait donc aujourd’hui au nom/à cause de l’antisionisme.
Et cette fois encore, une puissante organisation manipulerait tout cela en sous-main pour « disqualifier toute opposition à sa politique ».
Et c’est bien à cette même source que s’abreuve « ce sentiment qui monte à l’encontre des Juifs dans les populations arabes ». L’antisémitisme a peut-être plusieurs visages, mais c’est de la même bête hideuse qu’il s’agit. Celle qui depuis des siècles ose prétendre, sans que les belles âmes prennent la peine de vraiment la démentir, que chaque Juif pris individuellement, est peu ou prou responsable de la souffrance des innocents.
On aurait aimé que sur le sujet de l’antisémitisme les vraies questions soient posées. On aurait aimé que tant de belles âmes s’attachent à chercher des solutions, plutôt que des justifications, à cette violence bien réelle. Mais ce sera pour une autre fois. Et, sans doute, avec d’autres interlocuteurs.
S’il y a une urgence aujourd’hui, c’est bien de le rappeler de manière claire et forte, pour éviter que davantage d’aveuglement mène une fois de plus à davantage d’horreurs, d’explications oiseuses, de justifications honteuses et de vains regrets.
Belles âmes, vous ne pourrez pas dire « nous ne savions pas ».
Yves Caelen et Viviane Teitelbaum