A mes amis tutsis, aux survivants du génocide
Comme chaque année, ce mois d’avril sera marqué par les commémorations des génocides : Tutsis, Shoah, Arméniens.
Emotion ? Certes. Toujours.
Mais surtout engagement. Car c’est avant tout de cela qu’il s’agit.
Et je le dis d’autant plus fermement que votre histoire, est mon histoire.
Je le dis d’autant plus fortement que d’entendre vos témoignages réveillent les cauchemars en moi. Moi, enfant d’enfant cachée pendant la Shoah.
Je le dis d’autant plus clairement que de nombreuses batailles restent à mener pour la Mémoire.
Quel que soit le lieu du génocide, quel que soit le peuple assassiné, que ce soit dans les plaines en Turquie, dans les camps en Pologne ou en Allemagne, sur les collines du Rwanda, pour les victimes il n’y avait fleurs, ni arbres, ni chants d’oiseaux. Seulement de la terre boueuse, une odeur de mort, de chair brûlée, ou de corps mutilés à la machette.
Depuis de nombreuses années je me recueille pour la Mémoire de la Shoah comme je partage avec Tutsis et Arméniens leurs douleurs en ces journées de souvenir et de mémoire.
Depuis de nombreuses années, l’information et les commémorations alimentent un peu partout les médias alors que dans les écoles les outils utilisés jusqu’ici pour sensibiliser les jeunes semblent ne pas toujours porter leurs fruits et que souvent même, ces pages d’histoire sont laissées de côté.
Pourtant une commémoration, le jour anniversaire, à une certaine date, traduit tant la nécessité de structurer le souvenir que le besoin de se souvenir de ce qui nous hante. Car le passé est dans le présent, dit Elie Wiesel, il peut l’enrichir ou l’empoisonner. Comment dès lors dégager un sens, donner une direction pour que la mémoire ouvre des possibilités de délivrance ?
La mémoire doit être celle qui nous unit, pas celle qui nous sépare, certes. L’essentiel, surtout, est de ne pas banaliser la mémoire. Il faut donc encore se battre contre les négationnismes, contre ceux et celles qui tentent encore aujourd’hui, encore dans nos rues, encore à travers l’Europe, de réécrire l’histoire.
Quant à moi je fais l’engagement de poursuivre ce combat pour la Mémoire afin que la Mémoire de nos disparus de tous les génocides ne soit pas tachée, afin que les jeunes puissent reprendre le flambeau de notre action, afin que le racisme et les discriminations soient combattus partout et toujours. En soulignant la spécificité juive d’Auschwitz, pour moi la Shoah devient référence universelle, porteuse de mémoire et… d’espoir. C’est ainsi que nous pouvons honorer la Mémoire de tous les disparus et les faire revivre en nous.
En ce sens, amis tutsis, chers survivants, mon histoire est votre histoire. Votre combat est mon combat. Une bataille que je continue de mener.