Rapport sur les signes convictionnels
Rapport fait en séance plénière sur les propositions MR sur les signes convictionnelsce vendredi 20 mai 2011 au Parlement Bruxellois;
J’aborderai l’exposé de M. Gosuin au nom des auteurs des différentes propositions, ainsi que ses avis sur le rapport rendu par le Conseil d’État concernant la neutralité. M. Tomas abordera ensuite toute la discussion générale, ainsi que les votes.
Tout d’abord, M. Gosuin a expliqué les problématiques de l’intégration et du choix d’un modèle de société, en soulignant qu’elles reviennent régulièrement dans l’actualité à travers différents sujets, comme le port du voile, les violences dans les quartiers en difficulté ou le statut de la femme dans certaines communautés. Ces questions relatives au « vivre ensemble » se posent avec de plus en plus d’insistance et d’acuité.
Pour le groupe MR, il semblait essentiel pour l’avenir de notre société de porter ces questions au sein du parlement et d’en débattre autour de propositions concrètes.
Didier Gosuin explique qu’aujourd’hui, dans notre environnement, coexistent plusieurs cultures, plusieurs langues et plusieurs religions. Porteuse de richesse, cette diversité peut également entraîner un phénomène de radicalisation identitaire. Cette radicalisation est d’autant plus dangereuse qu’elle entraîne, dans un second temps, un rejet, une stigmatisation de l’autre et, poussée à son paroxysme, un affrontement des différences.
Si la diversité culturelle constitue avant tout une chance pour tous, elle se doit d’être accompagnée par les pouvoirs publics vers les chemins d’un « vivre ensemble » respectueux de tous et de chacun.
La réalité pluriculturelle de notre société fait émerger des sensibilités nouvelles et appelle des réponses à des questions nouvelles, en lien notamment avec la prise en compte des différences culturelles, philosophiques et religieuses dans la sphère publique. Refuser cette réflexion ne participerait qu’à entretenir les incompréhensions et les peurs mutuelles. Il appartient, précise-t-il, aux mandataires politiques de poser des choix de société clairs et de participer concrètement à leur mise en oeuvre. M. Gosuin rappelle ensuite que deux modèles de société s’offrent à nous. Le multiculturalisme, tout d’abord, qui envisage l’individu essentiellement comme le membre d’une communauté caractérisée par une culture, une religion, une origine ethnique. Ce courant se fonde généralement sur le relativisme culturel et les accommodements raisonnables, c’est-à-dire l’affirmation inconditionnelle de l’équivalence des systèmes de pensée et la justification de la différenciation des droits. Ce modèle, le groupe MR n’y souscrit pas.
À l’opposé de ce modèle, l’interculturalisme fait prévaloir l’individu sur ses attaches culturelles, philosophiques ou religieuses : les droits et les devoirs du citoyen ne sont pas fonction de ses affinités, ni de ses origines ethniques. Ce modèle postule également qu’une société ne peut se construire et favoriser au mieux l’intégration de tous que si les citoyens partagent un patrimoine commun de valeurs fondamentales, tels que le droit à la vie, la liberté de conscience, la démocratie, l’égalité de l’homme et de la femme, ou encore la séparation des églises et de l’État.
Ces valeurs, qui ont présidé à l’avènement des sociétés démocratiques, sont universelles. Elles ne sont pas l’apanage d’une culture ou d’une époque. Au contraire, elles s’imposent à tout État qui ambitionne l’émancipation de l’ensemble de ses membres. Ces valeurs sont notamment scellées dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et dans ses protocoles additionnels.
L’État doit s’imposer comme le premier garant de ces valeurs et les promouvoir au titre de patrimoine commun de l’ensemble de ses membres. Ce modèle ne postule pas l’indifférence de l’État
à l’égard de la diversité des cultures. Au contraire, cette diversité sera valorisée par l’État, pour autant que ces cultures s’inscrivent dans le respect des valeurs fondamentales. C’est à ce modèle de
l’interculturalisme que le groupe MR souscrit, a ajouté M. Gosuin.
Pour concrétiser cette importante réflexion, le groupe MR a déposé des propositions dans toutes les assemblées où il siège. Elles touchent tant les services publics de tous les niveaux de pouvoir que l’école, ou encore l’interdiction du port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage, mesure concrétisée actuellement au parlement fédéral.
Didier Gosuin a également rappelé que, pour le groupe MR, l’exercice de la fonction publique doit être assuré dans le respect d’une stricte impartialité. Il s’ensuit que toute personne qui participe à l’exercice de l’administration doit refléter cette neutralité dans son attitude, son comportement et ses vêtements.
Pour le groupe MR, l’administration publique est un tout : il ne peut être question de distinguer les règles en vigueur pour les fonctionnaires selon qu’ils exercent leurs fonctions en contact ou non avec le public. Par ailleurs, chaque fonctionnaire doit avoir la garantie que l’ensemble de ses collègues se consacre à l’exécution de leurs fonctions dans le même esprit d’impartialité que lui.
Une telle distinction entraînerait en outre des difficultés en termes d’organisation, dans la mesure où il est fréquent que les agents se déplacent dans les locaux et rencontrent des usagers.
Par signe convictionnel, on entend tout vêtement ou accessoire exprimant une conviction politique, philosophique ou religieuse.
Concernant les avis rendus par le Conseil d’État, Didier Gosuin a rappelé que les textes proposés permettront de redéfinir un certain nombre de valeurs communes, mais aussi de préserver de toute tentation de quelque bord que ce soit et de prémunir contre toute velléité de radicalisme la neutralité durement acquise.
À la question de savoir si les propositions outrepassaient la Constitution, le Conseil d’État répond qu’il n’existe aucun obstacle. À ses yeux, c’est une question d’opportunité, qui relève de la prérogative du législateur. Sur le fond, le Conseil d’État ne formule aucune remarque, sinon quelques critiques légistiques. Le Conseil d’État précise toutefois que les auteurs des propositions interviennent pour les personnes qui exercent une mission de service public au sein des administrations communales ou intercommunales et se pose la question des fonctionnaires qui exercent au ministère ou dans les organismes d’intérêt public.
La proposition de résolution y répond, et vise à donner une indication claire au gouvernement pour qu’un arrêté soit pris de façon à ce que les fonctionnaires, quel que soit leur niveau, soient sur le même pied.
L’étendue de l’interdiction relève d’un choix d’opportunité du législateur. C’est sur ce point que porteront les débats. Le groupe MR pense que, du fait de la mobilité interne, il est difficile d’imposer des interdictions qui peuvent évoluer en fonction de la carrière. Le parlement est ici en mesure de prendre ses responsabilités.
À propos de la neutralité, M. Gosuin renvoie à l’avis du Conseil d’État, dont il cite le passage suivant : « La conception de la société et de la neutralité de l’État qu’entendent ainsi défendre les auteurs de la proposition peut être considérée d’une manière générale comme conforme aux valeurs de la Constitution belge et de la Convention européenne des droits de l’homme, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme, sans qu’évidemment ceci n’implique qu’elle serait la seule à être conforme à ces valeurs, d’autres approches, mettant par exemple davantage l’accent sur la diversité des conceptions en présence, pouvant également se concevoir dans ces cadres constitutionnel et conventionnel. »
Les propositions du groupe MR sont donc conformes au droit européen.
Didier Gosuin évoque aussi les passages sur les restrictions à la liberté de religion et à la liberté d’expression que cette conception implique pour les membres du personnel communal, provincial et des intercommunales. Elles peuvent se justifier à la lumière du principe constitutionnel de la neutralité des pouvoirs publics pour les membres du personnel qui, portant des signes convictionnels, peuvent susciter auprès du public le sentiment qu’ils n’exercent pas leur fonction d’une manière impartiale.
Il rappelle aussi que les personnes exerçant une mission de service public au sein d’une administration communale ou d’une intercommunale doivent remplir celle-ci avec neutralité et dans le respect des valeurs fondamentales de notre société.
Ces personnes se doivent de traiter les usagers de leur service sans aucune discrimination, leur garantissant l’égalité de traitement sans distinction fondée notamment sur la nationalité, le sexe, l’origine sociale ou ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.
Elles doivent éviter tout comportement ou expression qui pourrait ébranler la confiance du public dans son service. Les administrations publiques doivent, par ailleurs, veiller à respecter tant l’égalité de leurs agents entre eux que l’égalité de traitement dans le service public vis-à-vis des citoyens. Les administrations communales comme les intercommunales de notre Région se doivent de promouvoir ce modèle égalitaire de neutralité.
Les auteurs de la proposition invoquent tout d’abord le principe de la neutralité du service public pour justifier l’interdiction du port de signes convictionnels. Ce premier motif invoqué rappelle les considérations figurant déjà dans les développements de la proposition examinée dans l’avis n° 48.042/AG précité en ce qui concerne le principe de neutralité du service public.
En conclusion, M. Didier Gosuin entend que certains membres seraient prêts au débat et que les propositions n’ont pas assez justifié la proportionnalité. Les argumentations ne seraient pas assez explicites en fonction des catégories de personnel qui sont au contact du public.
C’est pourquoi M. Didier Gosuin propose le dépôt d’une note complémentaire pour réaffirmer, paragraphe par paragraphe, le concept de neutralité et pour développer des justifications nécessaires
et suffisantes pour étendre le principe d’interdiction à l’ensemble du personnel. Ensuite, dit-il, chacun pourra prendre position.
Comme cette proposition a été refusée, M. Didier Gosuin note la volonté de ne pas discuter plus avant et de voter les textes. La présidente de commission le confirme. Le texte ne semble pas amendable au regard de l’avis du Conseil d’État et de divers avis exprimés par les commissaires.
Pour reprendre le débat, selon elle, il faudrait dans ces conditions un nouveau texte. M. Didier Gosuin répond à la présidente qu’il s’agit de sa propre interprétation des avis du Conseil d’État, qu’elle sort de son rôle de présidente et qu’il n’a pas la même lecture de ces avis.
(Applaudissements)