Bloc-notes

Ixelles contre l’amnistie!

memorial-ixlVoici mon intervention pour présenter la motion que j’ai déposée « relative au refus d’une amnistie des condamnations et sanctions infligées du chef d’actes d’incivisme commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 », qui a été co- signée par tous chefs de groupes et voté à l’unanimité en conseil communal le 23 juin 2011.

Je suis vraiment contente que tous les chefs de groupes signent ce texte qui a déjà été voté dans différentes communes comme à Liège et Bruxelles Ville.
Si je milite pour le travail de Mémoire, si je milite pour la Mémoire depuis toujours, c’est parce que cela participe d’un travail pour la Démocratie certes, mais aussi parce que je suis ce qu’on appelle « 2ème génération », comme tous les Juifs qui ont mon âge. Si nous sommes nés c’est parce que nos parents ont survécu. Ils étaient déportés ou enfants cachés ou ont pu s’enfuir des griffes nazies. Si nous sommes là c’est grâce à l’aide d’un résistant, d’un Juste parmi les nations, ou grâce à la chance, un petit miracle, peu importe.
Et je pense donc que pour eux, pour saluer leur courage ou rappeler leur existence, mais aussi pour les générations à venir c’est important de se souvenir… tout simplement.
Il y a 66 ans la tragédie de la Deuxième Guerre mondiale s’achevait et avec elle prenait fin l’extermination des Juifs, l’exécution et la déportation des résistants au régime nazis.

Il y a plus d’un demi siècle ou il y a seulement un peu plus d’un demi siècle devrais je dire que hommes, femmes et enfants ont enfin vu se lever le jour de la liberté retrouvée. Nombreux d’entre eux n’avaient ni force ni goût pour fêter la victoire de la démocratie sur la barbarie nazie, nombreux d’entre eux, affaiblis par les années de camps, frôlant la mort au quotidien, ne pouvaient même pas compter les survivants.

A plusieurs reprises, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et c’est pour cela aussi que cette motion est importante, des tentatives de réhabilitation de ceux qui furent traîtres à leur patrie ont été faites. Des décrets comme le « décret Suykerbuyk » qui plaçait des inciviques sur le même pied que les victimes de guerre et qui visait à accorder une aide complémentaire à des personnes vivant dans une situation de précarité par suite de circonstances dues à la guerre, à la répression et à l’épuration a été votée. Des recours ont été déposé car déjà nous ne pouvions accepter que des inciviques soient placés sur le même pied que les victimes de guerre, dont nous démocrates restons les représentants, les héritiers physiques, les légataires spirituels. Car déjà nous ne pouvions imaginer que des fonds publics servent à récompenser des personnes qui ont été condamnées pour leur collaboration avec le régime nazi. Heureusement la Cour d’arbitrage a annulé le décret Suykerbuyk, qui ne sera jamais appliqué.

Les témoins disparaissent, mais nous devons continuer à transmettre, enseignons l’histoire correctement c’est là notre responsabilité. Inculquons aux jeunes qui n’entendront plus les témoins, inculquons leurs des valeurs d’humanisme afin qu’ils deviennent des citoyens et des citoyennes conscients de leurs devoirs au sein d’une démocratie qu’ils auront à cœur de défendre, dans laquelle ils auront le bonheur et la fierté de vivre.

Car l’histoire que nous écrivons, que nous vivons pose tous les jours de nouveaux défis. Quotidiennement, nous sommes confrontés à d’autres difficultés, à de nouvelles interrogations.
Paradoxalement à l’heure où l’Europe se forme, où les citoyens et les jeunes de tous les pays élargissent leurs horizons, une extrême droite active et fascisante réapparaît dans différents pays. Et nous devons nous battre afin que ce troisième millénaire voie les frontières du racisme s’effondrer.
Ensemble, je l’espère nous devons nous retrouver dans une lecture commune des événements de la Shoah et aborder en Belgique, le travail de mémoire sur les responsabilités.
66 ans après la Libération des camps nazis, l’amnistie, l’oubli, résonnent telles les dérives antidémocratiques, nationalistes, révisionnistes, qu’elles contiennent. L’amnistie, ou la réhabilitation des inciviques, est une atteinte aux valeurs démocratiques. Cette pseudo réconciliation constitue en outre une porte ouverte au négationnisme et/ou à l’oubli. L’on ne peut aujourd’hui, alors que le travail entamé sur les responsabilités des autorités belges n’a pas encore abouti, que l’antisémitisme se développe à nouveau et que le nationalisme reprend des forces, accepter que soient disculpés ceux qui ont collaboré avec les nazis.

La loi Vermeylen de 1961 qui est d’ailleurs une loi très tolérante demande à tous ceux qui ont été condamnés à plus de trois ans, c’est-à-dire pour des faits d’une certaine gravité – car tous les autres ont bénéficié d’une amnistie automatique –, elle demande qu’à tout le moins deux démarches soient effectuées : la demande volontaire de bénéficier de la mesure d’amnistie individuelle, la reconnaissance de l’erreur et l’engagement de respecter la Constitution, c’est-à-dire les valeurs fondamentales de notre pays. Laisser entendre qu’il faudrait rouvrir un débat dans nos Assemblées parlementaires sur cette question n’a aucun sens !
La démarche du pardon doit rester individuelle, la mémoire doit rester collective, la mémoire doit être partagée. D’où le dépôt de ce texte ici.
Merci
Viviane Teitelbaum

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