Bloc-notes

Entretenir la mémoire et assumer son passé: il y a 70 ans les rafles…

2-ss-sammellager-451c9-d50a3Les rafles de l’été 1942 sonnent le glas de la communauté juive d’Anvers. Dans la nuit du 15 au 16 août 1942, a lieu à Anvers, la première grande rafle nocturne de la solution finale en Belgique. Une nouvelle rafle a lieu les 28 et 29 août, les 11 et 12 septembre et les 20 et 21 septembre. En tout près de 4.000 Juifs sont arrêtés et envoyés à Auschwitz.
Début septembre, c’est au tour de Bruxelles. Dans un premier temps, les Juifs de natio¬nalité belge sont épargnés, mais beaucoup sont surpris par l’ampleur des arrestations et certains décident de plonger dans la clandestinité et d’ abord, c’est à l’avenir des enfants que tous vont penser.
Les rafles sont organisées dans l’obscurité, la nuit. Réveil brutal, panique, terreur, affolement. Les pas rapides et secs des bottes SS dans l’escalier, hurlements, coups. Derrière la porte, les coeurs s’arrêtent de battre, la respiration est coupée. Main posée sur la bouche de l’enfant. Peut-être, oublieront-ils d’entrer… Quelques minutes plus tard :
« Ouvrez, sales Juifs ! » Tout le monde est embarqué.

Entre le 4 août 1942, date de la première déportation et le 31 juillet 1944, près de 40% de la population juive, soit 25.835 personnes (dont 351 Tziganes) ont été déportés depuis Malines vers Auschwitz. 5.000 Juifs de Belgique sont aussi déportés à partir de la France. Seuls 1.240 Juifs déportés sont revenus en Belgique.

Dans un premier temps, les Juifs de Belgique, comme d’ailleurs en Europe, ne se sentent pas vraiment menacés, même s’ils font l’objet de mesures discriminatoires. Ils n’imaginent pas devenir victime d’une société qu’ils connaissent bien et dans laquelle ils pensent être plus ou moins intégrés.

C’est donc seulement petit à petit – de manière sournoise et incidieuse- que leurs droits sont réduits et qu’ils sont appauvris. Ils perdent d’abord leur métier, leur salaire; puis leur entreprise, leur épargne, leur logement, … Au terme de ce long cheminement, baptisé par l’historien Raul Hilberg « processus d’expropriation », ils perdront leur linge de corps, leurs dents en or, leur chevelure. Et enfin, ils perdront la vie.

L’administration belge ne facilitera pas forcément toutes les mesures allemandes, mais son soutien sera relativement facile à acquérir pour exclure les Juifs de la vie publique, collaborer à la confection du « registre des Juifs » ou pour participer aux déportations, comme lors des rafles de 1942 à Anvers.

L’étude du CEGES établit clairement que l’Etat belge a collaboré activement à la persécution et à la déportation des Juifs. C’est donc une étape importante qui révèle aux Belges que leur pays a adopté une attitude docile à travers une collaboration indigne d’une démocratie. C’était possible parce que la Belgique connaissait un déficit démocratique important et entretenait une culture xénophobe et antisémite.

Si de nombreux Belges ont défié l’occupant nazi au péril de leur vie et ont ainsi sauvé adultes et enfants juifs, d’autres ont collaboré activement avec le régime d’occupation, participant ainsi à l’exclusion, puis à la spoliation économique et enfin à la déportation. Il faut donc également répercuter ces éléments historiques dans les cours d’histoire. Il faut apprendre aux jeunes, sans hésitation, et sans compromission ce qui s’est passé.
Reconnaître, mais surtout assumer son passé, contribue à entretenir le devoir de mémoire, tant vis-à-vis de ceux qui ont eu un comportement exemplaire et ont résisté à l’occupation que vis-à-vis de ceux qui ont collaboré et permis aux nazis de déportés une partie de la population .

3 commentaires

  • Frédéric André

    Merci, chère Viviane Teitelbaum, pour ce rappel qui – quelque part – rend un très bel hommage à l’action de ma mère dans la Résistance et le sauvetage des enfants juifs.

  • Viviane Teiltelbaum

    Oui absolument et Judith était une personne très spéciale, dont je parle dans Enfants Cachés, les larmes sous le masque;
    Avoir pu lui rendre hommage de son vivant était très important pour moi!

  • Marcel Zalc,

    Merci Viviane pour ce rappel.Ils sont encore trop nombreux à vouloir réduire l’histoire de la communauté juive du pays en un fait divers pathétique,la pitié paralyse la pensée et favorise la banalisation du mal.Faire rentrer un évènement dans l’histoire,ne le dispense pas de devoir rendre des comptes,seul le devoir de mémoire comme tu ne manques pas de le souligner,pourra conjurer l’oubli de l’indicible.Cette reconnaissance toute pénible qu’elle soit,reste un devoir de justice qui est dû aux victimes et rescapés de la Shoah en Belgique,ceci afin de permettre d’inscrire cette sombre parenthèse historique dans la durée et empêcher de faire la part belle à tous les extrêmes.

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